Clover Thursday est une personne qui laisse ses marques, même si vous la rencontrer brièvement. D'un naturel rieur, elle change sa couleur de cheveux constamment et elle est couverte de petits objets d'art. Des épinglettes et des écussons de mignons personnages de dessins animés, des sirènes, des poulpes et d'autres créatures fantaisistes de couleur pastel, sont étalés devant elle sur un bureau.
Le vrai nom de famille de Clover est Akuoko-Dabankah, qui signifie jeudi en dialecte ghanéen Twi. Elle vient d'obtenir son diplôme en design de l'Ontario College of Art and Design (OCAD). Elle partage également la boutique Bae et Boba, une boutique Etsy où elle vend des accessoires comme des épinglettes, des patchs et des autocollants en vinyle, tous conçus avec l'aide de Tori, son amie et partenaire d'affaires. L'idée du nom était simple : « Je dessine beaucoup de dames et Tori adore le thé aux perles [boba] et fait de jolies choses », explique Clover. « Je l'ai rencontrée dans un cours de thèse lors de ma dernière année à l'OCAD. Nous sommes devenues amies et avons décidé de devenir partenaires. J'ai des idées innovatrices et elle adore consulter les livres ». Ce qui fait de nous un duo dynamique.
Leurs revenus sont divisés en fonction de la personne qui a conçu le produit. L'émail des épinglettes qui est importé représente leur plus gros investissement (mais ce sont elles qui créent le design). Le magasin a ouvert ses portes à la fin de 2018, et elles font déjà affaire avec des clients de la Colombie-Britannique, de Californie, et même de France et d'Australie. Clover prévoit de lancer une campagne de financement l'an prochain, mais elles financent présentement elles-mêmes leur entreprise Bae and Boba.
« Le vrai choc, c'est de réaliser combien d'argent on investit, explique Clover. Cependant, elle envisage de participer à la foire Pin and Patch de Toronto lorsque les ventes augmenteront. Les épinglettes sont très à la mode au Canada et font partie de la culture, affirme-t-elle. Il suffit d'explorer n'importe quelle ville pour voir des cyclistes portant des sacs à dos recouverts d'épinglettes, ou des individus vêtus de vestes en jean dotées d'épinglettes politiques et artistiques.
L'article qui se vend le plus est l'épinglette « Tulips and Tentacles », soit une pieuvre de couleur menthe avec des yeux timides et munie d'une couronne de fleurs. Fervente fan de pieuvre, Clover a également créé une bande dessinée intitulée Cutie Cthulhu, dont le personnage principal est une adolescente au visage de pieuvre. Il s'agit d'une métaphore, dit Clover, cela représente un peu la manière dont on se perçoit à l'adolescence. « Chaque fois que la pieuvre se regarde dans un miroir, elle se voit comme une chose bizarre, tâchée d'encre et flasque », explique Clover. « C'est en fait comme le passage à l'âge adulte. »
À l'école, de nombreux étudiants ne savaient pas qu'elle était atteinte de la maladie de Stargardt aux deux yeux. Pendant son enfance, on a mal diagnostiqué une rétinite pigmentaire et on a découvert qu'elle avait la maladie de Stargardt à l'âge de 18 ans, juste après son acceptation à l'OCAD pour ses études de design. Après avoir consulté son médecin, Clover décida qu'elle continuerait ses études. L'art a toujours comblé sa vie depuis qu'elle a ouvert le guide de dessin de manga de mauvaise qualité qu'elle avait reçu pour son septième anniversaire qui lui a permis d'apprendre à réaliser des croquis.
Dans l'ensemble, Clover affirme que la maladie de Stargardt ne lui cause pas de défis pour créer des designs tant qu'elle prend des pauses. Si elle se concentre trop longtemps, sa vision commence à se remplir d'étoiles ou à devenir floue. Elle se doutait qu'elle ne pouvait pas être la seule artiste vivant avec une vision partielle, et elle avait raison. Elle occupe présentement le poste de stagiaire en leadership pour les jeunes à INCA et depuis, elle rencontre de nombreuses autres personnes créatives qui ont perdu la vue.
À l'heure actuelle, elle est heureuse d'avoir fondé Bae & Bob, mais elle rêve de créer son propre studio plus tard. Elle aimerait posséder l'équipement nécessaire pour produire des articles à l'interne et offrir des services de production à d'autres artistes. « Ce serait un bon moyen de donner en retour et de soutenir la fabrication d'articles », explique-t-elle.
Même si elle est habituée aux emplois de 9 à 5, Clover aimerait poursuivre sa carrière d'artiste à temps plein.
Les temps sont durs, dit-elle, mais je pense que je vais garder l'esprit ouvert. « Une licorne une fois, une licorne toujours »