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L'héritage de Lucy

par Diane Bergeron, présidente du Programme de chiens-guides d’INCA

En juillet 2012, quelques mois seulement après mon entrée à INCA, je me suis retrouvée de nouveau assise dans un fauteuil en attendant d'être présentée à mon nouveau chien-guide. Tant de choses me traversaient l'esprit : Ai-je pris la bonne décision? Peut-être que Maximo aurait pu travailler un peu plus longtemps? Peut-être l'ai-je mis à la retraite trop tôt? Comment sera ce nouveau chien? Tant de questions. Une chose dont j'étais sûr, c'est que j'avais décidé que mettre un chien à la retraite était trop douloureux. Cette fois, j'allais me rappeler qu'un chien-guide est une aide à la mobilité et même si j’allais m'attacher à lui et lui faire confiance, je ne me permettrais pas de m'en rapprocher au point d'avoir mal à son départ. 

Diane Bergeron s’accroupit pour une photo aux côtés de Lucy sa chienne-guide. Lucy pose sa tête sur l’épaule de Diane qui la flatte avec amour.
Diane & Lucy 

Puis le moment tant attendu est arrivé. Mon entraîneuse Debbie est entrée et m'a présentée à Lucy. C'était une golden retriever de 17 mois qui avait beaucoup d'énergie. Elle tournait autour d'elle comme une tornade. Alors que je m'accroupissais pour la rencontrer, j'ai reçu un bon gros coup de queue qui m’a surpris comme jamais! Pas surprenant, car sa queue était comme ses pattes… énormes et touffues! Tout mon monologue intérieur s’est alors effondré. Il était trop tard. J'étais conquise!

Au cours des 7 années suivantes, Lucy et moi étions inséparables. Nous avons voyagé dans plusieurs pays européens, et partout aux États-Unis et au Canada. Nous avons rencontré deux premiers ministres et leurs épouses, de nombreux députés et ministres, des sénateurs et même Stevie Wonder. 

Avec Lucy à mes côtés, j'ai pu influencer les changements apportés à la Loi sur les droits d'auteur afin de permettre au Canada d'adhérer au Traité de Marrakech, à la Loi canadienne sur l'accessibilité et à de nombreux textes de loi, règlements et politiques publiques visant les personnes en situation de handicap. Quelle aventure! 

En octobre 2019, il était temps pour Lucy de prendre sa retraite. Elle avait bien fait son travail et méritait de se reposer. Une fois de plus, je me suis retrouvée à attendre qu'on me présente mon nouveau chien-guide. Mon entraîneur Ben est venu et m'a présenté Carla, une golden retriever de 16 mois avec beaucoup d'énergie. Elle était plus petite que Lucy, avec une queue plus petite, mais elle avait tout autant de personnalité. Les deux chiennes s'entendaient à merveille et sont rapidement devenues les meilleures amies du monde.

Nous nous attendions à avoir ce duo dynamique pendant quelques années encore. Mon mari était emballé à l'idée d'avoir enfin un chien qu'il pourrait emmener pêcher et camper avec lui, sans avoir à respecter autant de règles. Puis mon monde a chaviré...le vétérinaire a découvert que Lucy avait une tumeur sur la rate qui provoquait une hémorragie interne. Il nous a dit que l'hémorragie ralentissait et qu'elle allait probablement s'arrêter et que Lucy aurait un regain d’énergie, mais que ce ne serait qu'une question de jours ou de semaines avant que l’hémorragie ne revienne. Mon cœur s'est arrêté et je ne pouvais pas comprendre. Elle n'avait que neuf ans... bien trop jeune pour être aussi malade. Nous l'avons ramenée à la maison et lui avons administré de médicaments. Elle a retrouvé son énergie et son appétit et se portait bien. Trois semaines plus tard, nous étions convaincus que le vétérinaire avait fait une erreur; elle allait encore rester avec nous pendant un certain temps. Puis, une fois de plus, j'ai eu le cœur brisé. Le Vendredi saint, elle a cessé de manger et son niveau d’énergie a chuté. Nous l'avons prise dans nos bras et avons espéré qu'elle reprendrait du mieux comme lors de l’épisode précédent. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Le samedi matin, il était évident qu'elle ne reviendrait plus chez nous cette fois-ci. Nous l'avons littéralement portée chez le vétérinaire parce qu'elle était trop faible pour marcher. Je lui ai tenu la tête pendant que nous lui disions au revoir. Je me suis souvenu du jour où je l'ai rencontrée pour la première fois et que j'avais pensé que je la considérerais comme une aide à la mobilité et que je ne m'en rapprocherais pas trop. Oh combien j'avais tort! Je lui avais donné mon cœur dès notre première rencontre. Elle a consacré sa vie à me guider et à me suivre à mes côtés. Elle faisait partie de moi et j'avais l'impression qu'on m'extirpait quelque chose de mon corps. Alors qu'elle rendait son dernier souffle, je l'ai remerciée pour ses années de dévouement et de loyauté et je lui ai dit combien je l'aimais. Je voulais qu'elle nous quitte en sachant qu'elle était tout pour moi. 

Il y a maintenant deux semaines qu’elle nous a quittés. Je pleure en écrivant ces lignes, en comprenant bien que la douleur ne s’amenuisera pas avant longtemps. Je ne l'oublierai jamais, pas plus que les merveilleux moments que nous avons passés ensemble. Elle nous manquera tellement, à mon mari et à moi! Aujourd’hui, Carla m’apporte du réconfort. Elle semble comprendre ma tristesse et je pense que son amie lui manque aussi. Ensemble, nous allons surmonter cette épreuve et irons de l'avant, mais nous nous souviendrons de l'héritage que notre Lucy a laissé derrière elle.